Voyage d'études de la SOSIN à Tchernobyl

En mai et septembre 2011, des délégations de la Young Generation (YG) et de la Société suisse des ingénieurs nucléaires (SOSIN) ont effectué des voyages d'études à la centrale nucléaire ukrainienne de Tchernobyl, à l'arrêt suite à l'explosion de sa tranche 4 il y a 25 ans. Les personnes présentes ont ainsi pu constater sur place l'état actuel du site.

24 nov. 2011
En pénétrant dans l'aire de la centrale de Tchernobyl, les visiteurs passent devant les tranches 5 et 6 de la centrale, inachevées.
En pénétrant dans l'aire de la centrale de Tchernobyl, les visiteurs passent devant les tranches 5 et 6 de la centrale, inachevées.
Source: Ivo Stalder

Lorsque fut lancée l'idée d'une excursion dans la zone interdite et à la centrale nucléaire de Tchernobyl mise à l'arrêt définitif, les organisateurs des deux délégations étaient loin d'imaginer les défis que cela représenterait en termes de communication et d'organisation. Un contact direct avec la centrale s'est alors avéré on ne peut plus utile, notamment lorsqu'on ne maîtrise ni les langues ni les alphabets russes et ukrainiens. Le climat continental marqué et l'amplitude importante des températures entre l'hiver et l'été ont décidé la YG à effectuer son voyage au mois de mai de cette année. Le groupe de la SOSIN s'est quant à lui mis en route pour l'Ukraine début septembre.

Kiev, ville en pleine mutation

Ancienne métropole soviétique et capitale actuelle de l'Ukraine, Kiev a donné une meilleure image que ce qui était attendu: espaces verts, façades refaites, jeunes gens flânant dans les rues. Des statues par-ci par-là témoignent encore de l'ère soviétique de jadis. Le centre de cette ville de 2,8 millions d'habitants se prépare au prochain Championnat d'Europe de football, l'EURO2012, organisé conjointement avec la Pologne. En témoignent les travaux de construction d'un nouveau terminal pour l'aéroport de Kiev-Borispol. Le piètre état des blocs d'habitation à la périphérie de la ville contraste avec les façades rénovées du centre et laisse augurer de la pauvreté du pays. Le salaire mensuel moyen du deuxième plus grand pays d'Europe après la Russie équivaut à 200 à 300 francs.

Trajet en bus jusqu'à la centrale

Le village de Tchernobyl et la centrale nucléaire du même nom se trouvent à env. 100 km au nord de Kiev, près de la frontière avec la Biélorussie. Il faut environ deux heures et demie pour faire le trajet en bus. Sans compter les retards dus au trafic très chargé les jours ouvrables.

Après une heure et demie de trajet, nous atteignons le premier point de contrôle qui indique le début de la zone des 30 km autour de la centrale. Des soldats vérifient nos documents de voyage et passeports. L'accès à la zone interdite est impossible sans documents valables, et seules les «visites techniques» sont autorisées à l'intérieure de la centrale. Cela fait 25 ans qu'il est interdit d'habiter dans cette zone. Cependant, des personnes âgées retournent y vivre depuis quelques temps. Les autorités le tolèrent. Mais pour empêcher un retour massif illégal, la plupart des cités et villages de la zone ont été détruits.

20 km plus loin, nous arrivons au village de Tchernobyl. Quelque 150 personnes y vivent encore. Il s'agit de collaborateurs de la centrale, en possession donc d'une autorisation spéciale. La plupart des 3000 employés au total que compte la centrale habitent dans la ville de Slavoutytch, à 50 km à l'est. Celle-ci a été construite après l'accident dans le but d'accueillir la population évacuée de Pripiat. Une ligne ferroviaire qui passe par la Biélorussie sur quelques kilomètres relie Slavoutytch à la centrale.

Les nouvelles routes côtoient les chantiers à l'abandon

Peu après avoir quitté Tchernobyl, nous sommes de nouveau contrôlés. La zone interdite intérieure décrit un cercle de 10 km autour de la centrale. Elle est inhabitée et les employés de la centrale doivent la quitter chaque jour. Le conducteur doit éviter sans cesse les véhicules de chantier qui goudronnent les routes. Au moment de pénétrer dans l'aire de la centrale, nous passons devant les unités 5 et 6 inachevées, le chantier ayant été brusquement interrompu après l'accident, fin avril 1986. Les échafaudages et les grues rouillés ainsi que les deux tours de refroidissement non finies parachèvent le tableau surréaliste de ces chantiers abandonnés en pleine construction.

Grâce à des contacts directs avec du personnel de la centrale, les deux groupes ont pu obtenir une autorisation d'accès. Ils ont ainsi pu se faire une idée de l'équipement d'une salle de commande. Avec l'aide d'un interprète, les techniciens expliquent le fonctionnement des vannes et affichages. Dans le bâtiment administratif, le directeur adjoint de la centrale, Valéry Seida, nous présente l'ensemble de l'installation nucléaire par le biais d'une maquette et nous informe de l'avancée des travaux de déconstruction. Il nous explique que suite à l'accident d'avril 1986 au niveau de la tranche 4, les trois autres unités ont été rééquipées pour plus de 200 millions de dollars américains (CHF 180 mio.) et ont continué d'être exploitées. Quatre ans plus tard, la tranche 2 a été la première à être définitivement déconnectée du réseau, suivie de la tranche 1 en 1996 et pour finir de la tranche 3 quatre ans plus tard, en décembre 2000. Entre temps, 60% des systèmes ont été mis à l'arrêt. Le réacteur de la tranche 3 est d'ores et déjà entièrement déchargé et le combustible usé a été placé dans un dépôt en piscine. Les assemblages combustibles d'environ 11 m de long seront ensuite découpés en petits morceaux et soumis à d'autres étapes de conditionnement avant d'être emballés dans des conteneurs de stockage pour être emmagasinés dans un bâtiment en surface. L'installation de conditionnement devrait entrer en service prochainement. Tandis que, lors de son déplacement, le groupe de YG a visité l'installation de stockage, celui de la SOSIN s'est quant à lui rendu dans la salle des machines de près de 800 m de long, dans laquelle sont entreposées les turbines à vapeur de l'ensemble des tranches. Aujourd'hui, seule la turbine de l'unité 4 détruite est séparée du reste de la salle. Ici, les travaux de déconstruction n'en sont pas au même niveau d'avancement. Les turbines basse pression sont toujours aussi imposantes dans cette salle interminable.

Irradiation

Toute personne qui entreprend un voyage à la centrale nucléaire de Tchernobyl et visite la ville voisine de Pripiat, se pose fatalement la question de l'irradiation. Les spécialistes ont été peu surpris de constater que les mesures effectuées sur les deux groupes ont révélé que les participants au voyage ont accumulé une dose deux à trois fois plus élevée lors de leur vol de trois heures entre Zurich et Kiev que lors de leur visite de même durée de la centrale et de Pripiat.

Les débits de dose locaux des appareils de mesure ne réagissant qu'au rayonnement gamma ont révélé d'importantes fluctuations lors de la visite: dans la salle de commande de la tranche 1, les valeurs avoisinaient les 0,15 microsievert/h, tandis que les instruments à proximité du mémorial situé à 200 m du sarcophage ont enregistré des débits de dose compris entre 4 et 8 microsieverts/h. Un employé de la centrale qui travaillerait à cet endroit 250 jours par an, huit heures par jour, serait exposé à une dose annuelle comprise entre 8 et 16 millisieverts. A titre de comparaison: la valeur limite de dose annuelle des personnes professionnellement exposées aux radiations est de 20 millisieverts en Suisse. Il faut cependant noter que des valeurs sensiblement inférieures ont été enregistrées sur d'autres points de mesure situés aux alentours du mémorial et dans le centre pour visiteurs qui se trouve à côté.

Le troisième jour du voyage était consacré à la visite de Kiev, pour les deux groupes. Les personnes qui le souhaitaient pouvaient visiter le Musée de Tchernobyl situé à proximité du fleuve Dniepr. Ce musée propose à la fois une collection de vestiges et de la documentation concernant l'accident. A la suite des évènements survenus au Japon, une plaque de solidarité commémorative comportant des inscriptions en ukrainien et en japonais a été installée.

Visiblement ravie d'accueillir des «amis» alémaniques en Ukraine, Natacha partage avec le groupe de la SOSIN la culture du pays et de la capitale.
Visiblement ravie d'accueillir des «amis» alémaniques en Ukraine, Natacha partage avec le groupe de la SOSIN la culture du pays et de la capitale.
Source: Peter Hardegger

Fiche signalétique de l'Ukraine

L'Ukraine compte quelque 45 millions d'habitants, et est le septième pays le plus peuplé d'Europe, derrière la Russie, l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, l'Espagne et l'Italie. Le nombre d'habitants de l'Ukraine est en recul depuis le début des années 90. Près de 78% de la population est d'origine ukrainienne, et un peu moins d'un cinquième est russe. L'ukrainien et le russe sont les deux langues majoritaires du pays, parlées respectivement à 67% et 24%. La monnaie ukrainienne est le hryvnia.

L'Ukraine exploite actuellement 15 tranches nucléaires réparties sur quatre sites. Sur les 174 TWh d'électricité produits en 2010, à peine 50% (83 TWh) étaient issus de l'énergie nucléaire.

Source

Matthias Horvath et Dragoslav Tanic, SGK/M.B./C.B.

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