Un demi-siècle de recherche sur la fusion
Organisée par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), la 22e Conférence sur l’énergie de fusion s’est tenue du 13 au 18 octobre 2008 à Genève. Cette réunion a en même temps été l’occasion de célébrer le 50e anniversaire de la coopération internationale en matière de recherche sur la fusion et de décerner le Prix 2008 de fusion nucléaire (Nuclear Fusion Prize).
Plus de 800 scientifiques représentant une cinquantaine de pays et diverses organisations internationales se sont réunis pendant six jours à la mi-octobre 2008 pour échanger leurs idées sur la théorie et la technique de la fusion, ainsi que sur les expériences qui sont actuellement menées dans le domaine de la recherche.
Iouri Sokolov, directeur général adjoint de l'AIEA a saisi l'occasion pour jeter un regard rétrospectif: «D'une manière générale, on considère que la découverte de la fission nucléaire en 1939 marque la naissance de l'énergie nucléaire. La fusion de noyaux légers avait cependant été observée dès 1932 par Mark Oliphant», a-t-il expliqué dans son allocution d'ouverture. L'énergie nucléaire allait faire une percée sur la scène internationale après la Seconde Guerre mondiale, à la faveur notamment d'une conférence organisée en 1955 par les Nations Unies, conférence connue ensuite sous le nom de Première Conférence de Genève (First Conference of Geneva). Cette rencontre de scientifiques et d'ingénieurs - la plus importante de l'époque - confirma la faisabilité de plusieurs applications et formes d'énergie nucléaire, dont la fusion. Elle fut suivie trois ans plus tard, en septembre 1958, par la Seconde Conférence de Genève sur l'utilisation pacifique de l'énergie atomique («Peaceful Uses of Atomic Energy»). Selon I. Sokolov, c'est cette deuxième rencontre qui fut, en fait, la première conférence sur la fusion.
L'AIEA et Iter
I. Sokolov a rappelé que l'AIEA organisa dès 1958 une série de conférences de moindre ampleur consacrées à des thèmes spécifiques de l'énergie nucléaire, parmi lesquels la fusion, et qu'une vaste collaboration internationale vit le jour au fil des ans. Les Etats-Unis, l'UE, le Japon et l'ex-Union soviétique prirent ainsi la direction conjointe du projet de réacteur expérimental thermonucléaire international (Iter). L'AIEA assuma, quant à elle, un rôle de médiation dans les moments difficiles, tout en soutenant de manière diverse la recherche dans le domaine de la fusion.
Dans le cadre de la 22e Conférence de l'AIEA sur la fusion, I. Sokolov et Kaname Ikeda, directeur général de l'Organisation Iter, ont signé un accord renforçant leur coopération dans le domaine de la recherche sur la fusion. Ce document facilite entre autres l'adhésion au projet Iter des Etats membres de l'AIEA n'y participant pas encore.
I. Sokolov a également relevé qu'Iter n'était pas le seul projet en cours; il en existe d'autres qui visent eux aussi à explorer la production d'énergie à partir de processus de fusion contrôlés, mais se réfèrent à des principes différents. Il y a, par exemple, le National Ignition Facility (NIF), laser de recherche en construction aux Etats-Unis, le projet laser Mégajoule en France et le programme japonais FIREX I et II. L'AIEA offre par ailleurs une plate-forme à des projets de dimension plus modeste, dont les résultats exercent néanmoins un impact sur la recherche dans le domaine de la fusion.
Remise du prix «Nuclear Fusion Prize 2008»
L'AIEA a remis pour la troisième fois le prix annuel qu'elle décerne pour honorer un travail extraordinaire réalisé dans la recherche sur la fusion et publié dans la revue scientifique Nuclear Fusion. Le prix de 2008 a été attribué à Todd Evans, en récompense de son travail «Suppression of large edge localized modes with edge resonant magnetic fields in high confinement DIII-D plasmas» (Nuclear Fusion 45, p. 595-607). Avec l'assistance de son équipe, il a démontré que dans les réacteurs à fusion du type tokamak, les perturbations périodiques survenant dans la région périphérique du plasma pouvaient être contenues à l'aide de bobines magnétiques spéciales, sans que le confinement de l'énergie dans le plasma ne s'en trouve réduit. Ce constat a pu être mis à profit pour la conception de plusieurs projets internationaux dont Iter, par exemple. L'IOP (Institute of Physics) Publishing, éditrice de la revue, a sélectionné le travail de T. Evans parmi dix publications scientifiques nominées. En plus d'une attestation et d'une distinction, le lauréat a reçu un montant de 2500 dollars américains (2700 francs) d'IOP Publishing.
Source
M.B./P.V. d’après un communiqué de presse de l’AIEA du 13 octobre et de l’Institute of Physics du 21 octobre 2008