Toute la contradiction du tournant énergétique français
«Il y a une véritable contradiction à vouloir diminuer les émissions de gaz à effet de serre tout en réduisant à marche forcée la part du nucléaire». Telles sont les conclusions de l’Académie des sciences française dans une prise de position du 19 avril 2017.
En Juillet 2015, l’Assemblée nationale française adoptait le projet de loi du gouvernement «La transition énergétique pour la croissance verte». Les six principaux objectifs fixés dans le texte prévoient la diminution des gaz à effet de serre de 40% d’ici 2030 et de 75% d’ici 2050, la réduction de la consommation des combustibles fossiles de 30% d’ici 2030, la diminution de la part du nucléaire dans le mix électrique français de 75% actuellement à 50% d’ici 2025, la limitation de la puissance installée du parc nucléaire aux 63,2 GW actuels, l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie à 23% d’ici 2020 et à 32% d’ici 2030, ainsi que la baisse de la consommation finale d’énergie de 50% d’ici 2050.
Dans une déclaration du 19 avril 2017, l’Académie des sciences estime que les débats menés actuellement en France concernant la transition énergétique sont incomplets: «En réalité, les programmes en matière de politique énergétique devraient mieux tenir compte des contraintes physiques, technologiques et économiques». «Dans l’état actuel du débat, nos concitoyens pourraient être conduits à penser qu’il serait possible de développer massivement les énergies renouvelables comme moyen de décarbonisation du système en le débarrassant à la fois des énergies fossiles et du nucléaire.»
La variabilité des énergies solaire et éolienne nécessite la mise en œuvre d’autres formes d’énergies, déclare l’Académie. «On pourrait penser que les échanges d’énergie au niveau européen pourraient pallier ce problème. Or les nuits sont partout longues à la même période en Europe, et les anticyclones souvent simultanés chez nous et nos voisins.»
L’énergie nucléaire est nécessaire pour fournir une énergie de ruban fiable
L’Académie déclare que les solutions de stockage pour les quantités importantes d’électricité issue de sources renouvelables font défaut ou sont pour le moment trop chères. Par ailleurs, la croissance des énergies renouvelables ne pourra se faire sans une extension significative du réseau de transport de l’électricité. «Le simple bon sens conduit à conclure qu’une production d’électricité qui garantit la consommation du pays nécessite la disponibilité des énergies «à la demande», écrit l’académie. Une disponibilité donc que l’on puisse utiliser en permanence et qui ne soit pas volatile. Ainsi, aucun pays ne pourra recourir significativement à ces nouvelles énergies sans faire appel aux centrales thermiques et nucléaires.
L’Académie cite ensuite le cas de l’Allemagne, qui a décidé de sortir du nucléaire en 2011, et qui reste encore aujourd’hui le pays européen le plus gros émetteur de CO2. En 2010, la part de l’énergie nucléaire dans la production électrique du pays était de 22%. Six ans plus tard, elle s’établissait à 13% et la part des renouvelables était passée à 30%. La part des combustibles fossiles en revanche était restée inchangée, à 55%, l’Allemagne ayant besoin de ces combustibles pour compenser la volatilité des nouvelles énergies renouvelables.
Des émissions de CO2 réduites grâce au nucléaire
La France est en revanche l’un des plus faibles émetteurs de gaz à effet de serre par habitant: environ trois fois moins qu’aux Etats-Unis et deux fois moins qu’en Allemagne. Elle produit 540 TWh d’électricité avec des émissions de 46 millions de tonnes de CO2 par an, alors que l’Allemagne produit 631 TWh d’électricité en émettant au total 334 millions de tonnes de CO2, c’est-à-dire 6,2 fois plus par KWh produit.
«L’énergie nucléaire est objectivement le moyen le plus efficace pour réduire la part des énergies fossiles dans la production d’énergie électrique», concluait l’Académie. Il est contradictoire de vouloir réduire dans un même temps les émissions et la part du nucléaire. «En réalité, de nombreuses études montrent que la part totale des énergies renouvelables dans le mix électrique ne pourra pas aller au-delà de 30-40% sans conduire à un coût exorbitant de l’électricité et des émissions croissantes de gaz à effet de serre et à la mise en question de la sécurité de la fourniture générale de l’électricité».
Source
M.A./C.B. d’après l’Académie des sciences, «La question de la transition énergétique est-elle bien posée dans les débats actuels?», du 19 avril 2017