Recherche sur les gaines de combustibles au PSI: focus sur l’hydrogène
Un groupe de chercheurs de l’Institut Paul-Scherrer (PSI) se penche sur les combustibles nucléaires. Johannes Bertsch, responsable du groupe, s’intéresse en particulier aux gaines de ces combustibles et à leurs revêtements. Le PSI a récemment présenté ses travaux.
Les gaines sont conçues de manière à pouvoir supporter des températures et des pressions élevées en exploitation, mais aussi de sorte qu'elles ne se fissurent pas après le retrait des crayons combustibles usés et soient capables de résister au transport jusqu'au dépôt intermédiaire, puis plus tard jusqu’à un dépôt en couches géologiques profondes. Ces gaines ne sont donc pas réalisées dans une feuille métallique quelconque, mais dans un alliage de métaux qui présente un équilibre très délicat: aux 98% de zirconium viennent s'ajouter des quantités mûrement réfléchies de chrome, de fer, de nickel, de niobium et d'étain. Cet alliage spécial est obtenu au terme d'un processus de fabrication tout aussi spécial: fonderie, refroidissement contrôlé, laminage, martelage et recuit. On obtient ainsi un métal qui lorsqu'on le regarde au microscope apparaît constitué de minuscules grains cristallins, dont la taille et l'orientation cristalline interne ont été optimisées.
Le PSI explique qu’aujourd'hui que l'optimisation vise surtout à répondre à une demande: limiter autant que possible la pénétration d'hydrogène dans le métal de la gaine. Car une fois là, l'hydrogène se lie avec les atomes de métal et ces liaisons chimiques sont susceptibles de fragiliser le matériau de la gaine. L’hydrogène vient de l’eau de refroidissement. Il est donc inévitable. Mais que se passe-t-il quand ces petits atomes d'hydrogène pénètrent dans le réseau d'atomes de l'alliage métallique?
Comme du sucre dans du café
«Pour commencer, l'hydrogène s'y dissout, explique Johannes Bertsch. Même s'il s'agit d'atomes isolés dans un matériau solide, les chercheurs parlent de solution. C'est effectivement comme du sucre dans du café, poursuit Johannes Bertsch. Dans le cas du café, on sait que quand il y a beaucoup trop de sucre ou quand le café est froid, le sucre ne se dissout plus, mais s'accumule au fond de la tasse.» L'analogie s'arrête là, car il n'y a pas de fond de tasse. Le phénomène qui se produit est le suivant: l'hydrogène ne se déplace plus librement à travers le matériau, mais se lie avec les atomes de métal et forme une liaison chimique hydrogène-métal que les chercheurs appellent hydrure. Le problème avec ces hydrures est le suivant: Dans le métal de la gaine, ils forment des structures allongées en plaquettes qui vont dans tous les sens, poursuit le chercheur. Et cela crée des défaillances dans le matériau.
Etudier les hydrures grâce aux neutrons
Les chercheurs du PSI emmenés par Johannes Bertsch s'intéressent à tout ce qui concerne les hydrures. Comment modifient-ils la stabilité du matériau? Comment les minimiser? Comment garantir que toutes les gaines restent intactes à tout moment? Pour ce faire, le chercheur et ses collègues recourent à un procédé d'imagerie utilisant les neutrons appelé imagerie neutronique (neutron imaging). Ce procédé a été perfectionné au PSI et est appliqué régulièrement par un groupe de travail à la source de neutrons SINQ de l'institut avec l'un des meilleurs microscopes à neutrons du monde. Ce dernier permet de radiographier les objets de recherche les plus divers. Le zirconium est pratiquement transparent pour les neutrons. C'est la raison pour laquelle il est utilisé comme composant principal des gaines, car lors de l'exploitation d'une centrale nucléaire, les neutrons libres sont un produit bienvenu. Pour l'imagerie neutronique, cette transparence s'avère aussi un avantage. Car contrairement au zirconium, l'hydrogène apparaît sous forme de contraste sombre sur les images neutroniques.
Une couche protectrice susceptible d’être utile contre les hydrures également
Dans l’un de leurs derniers projets de recherche, les membres du groupe de travail de Johannes Bertsch se sont penchés sur une couche protectrice supplémentaire dont les gaines sont équipées; appelés liners, ces revêtements sont utilisés partout dans le monde et notamment en Suisse. Ils protègent les gaines contre les dégâts mécaniques et l'oxydation. Or Johannes Bertsch et ses collègues ont découvert que les liners avaient en outre l'avantage d'empêcher la formation d'hydrures: il y en a moins dans les gaines qui disposent d'une couche protectrice de ce type. «L'hydrogène pénètre davantage dans ce revêtement et se retrouve en partie piégé à ce niveau.», explique J. Bertsch pour résumer les résultats de ses travaux.
Etant donné que l'on sait déjà que les hydrures fragilisent les gaines sur le plan mécanique, les chercheurs avancent aujourd'hui prudemment que les revêtements, qui ont été introduits au départ pour d'autres raisons, améliorent probablement la stabilité à long terme des gaines. «En fin de compte, notre mission est de mieux comprendre comment rendre l'exploitation et le maniement de crayons combustibles usagés plus sûrs, rappelle Johannes Bertsch. C'est pour cela que nous étudions en détail la structure de l'intérieur du matériau. Pour savoir comment apparaissent les hydrures, comment ils se répartissent, comment ils fragilisent le matériau et, surtout, comment faire pour les minimiser.»
Source
M.B./C.B. d’après un communiqué de presse du PSI du 11 février 2019