Recherche du plus grand accélérateur de particules de l'univers
Lors d'une série d'ascensions en ballon en 1911, le physicien autrichien Victor Hess découvrit le rayonnement cosmique, qui augmente avec l'altitude. Ce rayonnement est déclenché par des particules à haute énergie qui en tombant de l'espace, rencontrent l'atmosphère terrestre.
On sait aujourd'hui que leur énergie peut atteindre plus de 1020 eV, soit des millions de fois plus que les accélérateurs terrestres de particules les plus performants. L'existence de particules avec des énergies supérieures à 1020 eV constitue jusqu'à présent un véritable mystère pour les scientifiques. On ne connaît pas de mécanisme d'accélération ni aucune source dans l'univers qui pourraient les produire. Ces particules devraient par ailleurs être freinées du fait de réactions avec le rayonnement "cosmique", un rayonnement électromagnétique présent partout dans l'univers et issu du "Big Bang". L'une des questions fondamentales de l'astrophysique moderne est donc la suivante: Pourquoi ces particules peuvent-elles se mesurer sur la terre? Ou, en d'autres termes, où sont-elles produites?
Les 15 et 16 mars 1999 ont été signés à Mendoza, en Argentine, les contrats cadres d'un projet international consacré à ces questions. Les particules à énergie extrêmement élevées étant rares, on ne peut les détecter qu'à l'aide d'un équipement de très grande superficie. Le projet prévoit d'installer 1600 réservoirs de détecteurs sur un haut plateau d'Argentine d'une superficie de 3200 km2 Viendront s'y ajouter quatre lunettes téléscopiques extrêmement sensibles qui, les nuits claires, rechercheront des traînées lumineuses dans l'espace d'air recouvrant les réservoirs de détecteurs.
Ce ne sont pas les particules initiales entrant dans l'atmosphère terrestre qui seront mesurées. Celles-ci donnent lieu par contre dans l'atmosphère à des gerbes de particules secondaires qui produisent à nouveau à leur tour des particules, etc. Ces gerbes ont été mesurées pour la première fois sur la terre en 1938 par Pierre Auger, nom qui a été choisi pour le grand projet argentin. Chaque particule issue des gerbes déclenche des réactions caractéristiques dans les détecteurs de l'expérience Auger. L'idée de base du projet Pierre Auger a été développée au début des années 90 par le Prix Nobel américain James Cronin. Après de longues recherches, les scientifiques ont arrêté leur choix sur la pampa argentine, à faible densité de population, pour réaliser leur projet.
Du fait des dimensions de ce projet, on a opté pour un concept de détecteurs peu coûteux et fiable. Les quelques 1600 réservoirs d'eau d'un diamètre de 3,4 m et d'une hauteur de 1,2 m seront placés sur une grille tous les 1,5 km. Chaque réservoir sera équipé de trois photomultiplicateurs qui enregistreront la "lumière de Tcherenkov", lumière qui se forme lors de l'incidence des gerbes de particules. Des détecteurs à fluorescence posés sur trois endroits à la périphérie, ainsi qu'au milieu du champ de détection, observeront l'atmosphère et mesureront la "traînée lumineuse" de la gerbe de particules. La combinaison des données permettra de déterminer l'orientation, l'énergie et la masse de la particule initiale.
Source
M.S./C.P. d'après un communiqué de presse du Centre de recherche de Karlsruhe du 15 mars 1999