«Perspectives énergétiques 2035»: pénurie d'électricité avec tous les scénarios
Le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) a publié le 16 février 2007 ses «Perspectives énergétiques 2035». D'après ce rapport, la Suisse est menacée, pour tous les scénarios analysés, d'un déficit d'approvisionnement si elle ne procède pas à des investissements dans la production nationale d'électricité. Ces perspectives énergétiques 2035 ont servi notamment de base à la récente décision du Conseil fédéral sur la politique énergétique future de la Suisse.
Le rapport «Perspectives énergétiques 2035» est le fruit de plusieurs années de travaux d'experts de la science, de l'économie énergétique et de l'administration; son objectif est de mettre en lumière, sur une bases scientifique solide, les marges de manœuvre dont dispose la Suisse en matière de politique énergétique. Se fondant sur les données recueillies et sur des faits, le rapport esquisse divers scénarios «au cas par cas». L'Office fédéral de l'énergie (OFEN) a résumé les principaux résultats de ces travaux dans un «Management Summary».
D'après ces résultats, l'OFEN s'attend à ce que la consommation globale d'énergie de la Suisse n'augmente plus, quelle que soit la politique énergétique choisie dans l'avenir. Dans le domaine de l'électricité, les conséquences des scénarios d'action politique oscillent entre une hausse de la demande d'à peine un tiers d'ici 2035, et le maintien de la consommation d'électricité à un niveau similaire à celui de 2000. Quoi qu'il en soit, il en résulte pour 2035 un déficit d'approvisionnement plus ou moins important, déficit qu'il s'agit de combler avec de nouvelles capacités de production.
L'OFEN rappelle à ce propos la position particulière de l'électricité: «A la différence des agents fossiles, le courant ne peut guère être remplacé par un autre agent énergétique. En outre, l'électricité joue un rôle croissant dans le développement technologique».
Les scénarios dans le détail
L'OFEN indique les chiffres suivants pour le domaine de l'électricité:
Scénario I - «Poursuite de la politique actuelle»:Il s'agit du scénario de référence, scénario selon lequel les mesures actuellement en vigueur en matière d'énergie sont poursuivies. Avec ce scénario, la demande en électricité augmenterait jusqu'en 2035 de 29% par rapport à 2000. Il est sous-entendu ici que grâce à l'amélioration de l'efficacité, la demande ne progresserait plus que de 0,8% par an, et non pas de 1,8% en moyenne, comme au cours des dix dernières années. Avec le commencement de l'insuffisance d'électricité à partir de 2018 - et, conjointement, l'arrêt des trois centrales nucléaires anciennes à Beznau et à Mühleberg et l'arrivée à échéance des contrats de livraison avec la France - s'ouvrirait ainsi d'ici 2035 un déficit de production nationale de plus de 22 milliards de kWh. Ce déficit correspond à 36% des besoins actuels du pays. Mais la consommation d'électricité augmenterait encore plus fortement si les performances économiques suisses progressaient au-delà de la moyenne, ou si le pétrole renchérissait plus rapidement que prévu.
Scénario II - «Collaboration renforcée»: Ce scénario prévoit 330 millions de francs supplémentaires par an pour le soutien de l'électricité «verte», ainsi que des mesures volontaires d'amélioration de l'efficacité. Avec cette option, la demande en électricité progresserait d'à peine 0,6% par an, soit au total de quelque 23% d'ici 2035 par rapport à 2000. L'OFEN escompte d'un encouragement renforcé des énergies renouvelables (force hydraulique comprise) 5,7 milliards de kWh supplémentaires. La pénurie d'électricité dans le pays commencerait à se faire sentir en 2018 et atteindrait plus de 18 milliards de kWh en 2035, soit quelque 30% de la demande nationale actuelle.
Scénario III - «Nouvelles priorités»: A la différence des deux premiers scénarios, les scénarios III et IV sont assortis d'objectifs. Dans le scénario III, il s'agit de réduire la consommation par tête d'habitant de 34% d'ici 2035. On suppose ici l'introduction d'une taxe d'incitation sur l'énergie qui entraînerait une hausse des prix des agents fossiles de 100% et de 30% pour l'électricité. L'hypothèse admise est que les pays européens participent au mouvement et que l'industrie suisse puisse préserver sa compétitivité. Avec cette option, la consommation d'électricité augmenterait encore toujours de 13% environ d'ici 2035. La pénurie d'électricité s'amorcerait à partir de 2028 pour atteindre plus de 13 milliards de kWh en 2035.
Scénario IV - «Cap sur la société à 2000 watts»: Cet objectif serait atteint par une taxe d'incitation sur l'énergie renforcée par rapport au scénario III et harmonisée sur le plan international, ainsi que par des changements profonds de comportement en matière d'investissements, de consommation, de travail et de mobilité. De plus, l'activité économique aujourd'hui grande consommatrice d'énergie et de matières tendrait «vers une production axée sur les services et le savoir», écrit l'OFEN. On constate toujours un déficit de couverture pour l'électricité, déficit qui atteindrait quelque 5 milliards de kWh en 2035, soit 10% de la consommation actuelle du pays.
Nette critique de l'économie électrique
Alors que le «Forum Perspectives énergétiques», le groupe de suivi politique, n'avait déjà recueilli aucun consensus, le rapport qui vient d'être publié a suscité lui aussi de fortes réserves de la part de l'économie électrique. L'Association des entreprises électriques suisses (AES) constate ainsi que les «Perspectives énergétiques 2035» confirment l'étude «Prévision 2006» qu'elle a publiée en mai 2006. Mais ces perspectives énergétiques se fondent sur des hypothèses en partie peu réalistes, critique l'AES. Les scénarios III et IV en particulier ne devraient guère être acceptés dans une société libérale. La prévision 2006 de l'AES se base par contre sur les développements actuels en Suisse et en Europe et profite aussi de plusieurs décennies d'expérience de la branche, constate l'association.
Swisselectric, l'organisation des entreprises du réseau d'interconnexion suisse d'électricité, estime elle aussi que les scénarios III et IV en particulier ne constituent pas des bases fiables pour préparer l'avenir énergétique du pays car ils ne pourraient être mis en œuvre qu'avec une intervention massive de l'Etat et entraîneraient une «détérioration dramatique du bien-être». Mais selon swisselectric, le scénario de référence I repose aussi sur des hypothèses qui se situent à la limite inférieure des développements attendus. C'est ainsi par exemple que les perspectives énergétiques se fondent sur une hausse de la population de 7,1 millions en 2001 à 7,6 millions en 2035. Or selon l'Office fédéral de la statistique, la Suisse comptait déjà quelque 7,5 millions d'habitants le 31 décembre 2005.
Le tome 1 (Synthèse) des «Perspectives énergétiques 2035» et le «Management Summary» peuvent être téléchargés en format PDF du site Web de l'OFEN.
Source
M.S./C.P. d'après les Perspectives énergétiques 2035 – Management Summary de l'OFEN du 15 janvier 2007, ainsi que des communiqués de presse de l'AES et de swisselectric des 16 et 21 février 2007
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