Mise en évidence de l’élément superlourd 117
Une équipe de chercheurs internationale a réussi à générer et à observer deux atomes de l’élément superlourd 117 à l’aide de l’accélérateur de particules du Centre Helmholtz de recherche sur les ions lourds (GSI) à Darmstadt, en Allemagne. L’élément avait déjà été observé au centre de recherche nucléaire russe de Doubna en 2010. Des comités spécialisés doivent encore confirmer la découverte avant que l’équipe puisse donner un nom à l’élément.
Pour générer l’élément 117, les scientifiques de Darmstadt ont projeté des noyaux atomiques de calcium (numéro atomique 20) sur une cible composée de noyaux de berkélium (numéro atomique 97). L’isotope exotique berkélium-249 utilisé a été produit à l’Oak Ridge National Laboratory (ORNL) américain dans le cadre d’un processus coûteux qui a duré 18 mois. Les 13 mg de cet isotope de grande pureté d’une demi-vie de 330 jours ont été livrés à l’Université de Mayence, où ils ont ensuite été transformés en cible. En plus de l’élément 117, le bombardement d’ions de calcium sur la cible a également permis aux scientifiques de générer de nombreux autres produits issus du réacteur nucléaire, qui ont ensuite été séparés à l’aide du séparateur Tasca (TransActinide Separator and Chemistry Apparatus). L’appareil, utilisé simultanément comme détecteur, a aussi permis aux chercheurs d’observer la désintégration radioactive de l’élément 117. La mise en évidence de produits de désintégration légers de numéros atomiques 115 à 103 a étayé la découverte.
Le GIS a par ailleurs annoncé qu'une fraction de désintégration inconnue jusque-là dans du dubnium-270 (numéro atomique 105) avait également été identifiée dans les chaines de désintégration, de même que le nouvel isotope lawrencium-266 (numéro atomique 103). Avec des demi-vies respectives d’environ une heure et onze heures, ceux-ci font partie des isotopes superlourds parmi ceux possédant les plus longues durées de vie connus.
Etant donné que des produits secondaires indésirables apparaissent dans toutes les expériences faisant intervenir des éléments superlourds, il est d’autant plus difficile d’identifier un isotope de manière fiable que sa durée de vie est longue. Afin de mieux appréhender le problème, les chercheurs ont modernisé le séparateur Tasca. Le fait d’obtenir une sensibilité de mesure élevée est en outre important car des isotopes à durée de vie plus longue encore sont attendus dans les régions à haute stabilité nucléaire.
Île de la stabilité
Les éléments au-delà du numéro atomique 104 sont qualifiés d’éléments superlourds. Aucun élément superlourd n’a pour l’heure été identifié dans la nature. Ces éléments peuvent cependant être produits artificiellement en laboratoire par fusion de deux noyaux atomiques. Les éléments superlourds connus jusqu’à aujourd'hui présentent tous une désintégration rapide. Les chercheurs s’attendent cependant à trouver des éléments superlourds à longue durée de vie sur une île qu’ils appellent «Île de la stabilité». Le directeur scientifique du GSI, Horst Stöcker, est certain que les expériences réussies avec l’élément 117 constituent une étape important en vue de la production et de la découverte d’éléments qui se trouveraient sur cette «Île de la stabilité» si convoitée.
Source
M.B./C.B. d'après un communiqué de presse du GIS du 2 mai 2014, et J. Khuyagbaatar et al.: Ca48+Bk249 Fusion Reaction Leading to Element Z=117: Long-Lived α-Decaying Db270 and Discovery of Lr266, dans la revue Physical Review Letters, DOI: 10.1103/PhysRevLett.112.172501, du 1er mai 2014