Les résultats spectaculaires de la recherche interpellent
Des smartphones ultra-rapides et des ordinateurs super-performants… que ferait-on sans la recherche et le développement? La recherche fondamentale offre elle aussi des perspectives sensationnelles. De quelle manière ces avancées impactent-elles la recherche nucléaire?
La nouvelle s’est propagée à vitesse grand V dans le monde entier, et pendant un court moment a monopolisé la conversation pas seulement parmi les cosmologues: des chercheurs du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics de Washington auraient apporté la preuve de l’expansion explosive du cosmos. Ils ont en effet réussi à enregistrer un écho du big bang, également appelé inflation par les scientifiques, datant d’environ 14 milliards d’années. A l’aide d’un télescope installé au Pôle Sud, les chercheurs procèdent depuis plusieurs années à des mesures d’ondes gravitationnelles dans le rayonnement du fond diffus cosmologique. Ce rayonnement présente l’état de l’Univers environ 380'000 ans après le big bang. Or les scientifiques ont identifié récemment dans ce rayonnement des signaux qui seraient encore plus anciens. Cette découverte livre un aperçu de l’Univers tel qu’il était lorsqu’il n’avait qu’un billionnième de seconde d’existence.
L’observation a fait autant sensation que la mise en évidence du Boson de Higgs. Le 4 juillet 2012, l’Organisation européenne pour la rechercher nucléaire Cern, à Genève, a en effet annoncé la découverte de cette particule élémentaire du modèle standard de la physique des particules. Cela a valu aux physiciens Peter Higgs et François Englert de recevoir le prix Nobel en 2013 pour avoir développé la théorie 50 ans plus tôt.
La recherche en plein boom
Pour les historiens des sciences, ces découvertes révolutionnaires n’ont rien de surprenants, même à une telle cadence. En effet, le monde compte actuellement plus de scientifiques que ce que l’histoire de l’humanité n’en a jamais compté, tous chercheurs confondus. Et ceux-ci ont à leur disposition les meilleurs instruments qui existent, que cela concerne les outils d’analyse haute précision ou l’architecture de calcul haute performance (HPC). Autre preuve de l’amélioration considérable des conditions de la recherche: en une année, la quantité de données enregistrée dans le monde a été supérieure au volume de l’ensemble des données jamais enregistrées. Les capacités d’enregistrement augmentent de manière exponentielle.
Les nouvelles méta-analyses rendent possible une productivité insoupçonnée. Le Boson de Higgs par exemple a été découvert non seulement grâce aux évolutions dans le domaine des sciences des matériaux, mais aussi grâce à la mise au point d’un logiciel hautement professionnel. Des débits de données de l’ordre de mille gigaoctets par seconde ont été analysés au Cern à cette occasion. Le logiciel en question, appelé NeuroBayes, est également utilisé au High Energy Accelerator Research Organization (KEK), au Japon. L’accélérateur de particules du KEK, à proximité de Tokyo, détient le record mondial de luminosité, c’est-à-dire du taux de collisions par unité de section efficace sur une durée donnée. D’après Blue Yonder GmbH & Co., une entreprise leader en Europe dans le domaine des réseaux neuronaux, qui emploie quelque 100 spécialistes des données, les travaux effectués par le logiciel correspondent à environ 500 travaux de doctorat.
TerraPower va de l’avant
Le «Supercomputing» ou «calcul intensif» fait également partie des thèmes de prédilection de l’entreprise de technologie nucléaire américaine privée Terra Power, cofinancée par le fondateur de Microsoft Bill Gates. TerraPower développe en effet son propre réacteur à onde (Traveling wave reactor, TWR), qui utilisera principalement comme matière première de l’uranium appauvri ou des assemblages combustibles usés. Pour ce qui est de générer la réaction de fission nucléaire, seule une petite quantité d’uranium enrichi ou d’autres matières fissiles sera nécessaire au cours de la phase de démarrage. TerraPower estime à 100 billions de dollars américains la valeur de l’électricité ainsi générée. D’après l’entreprise, l’uranium appauvri disponible dans le monde permettra au TWR d’approvisionner 80% de la population mondiale pendant mille ans. Et c’est sans compter les quelque 4,5 milliards de tonnes d’uranium qui se trouvent dans l’eau de mer sous forme dissoute.
Depuis 2010, Bill Gates place de grands espoirs dans TerraPower. «L’humanité a besoin d’énergie. C’est un marché gigantesque. En outre, nous ne sommes pas suffisamment incités à produire de l’énergie sans émissions de CO2», a expliqué Bill Gates en mars 2014 dans le cadre d’une interview. Concernant le principal scénario à l’horizon 2010, il expliquait que chaque année, le monde a besoin d’un peu plus d’énergie, et produit par là un peu plus d’émissions de CO2. L’enjeu est de s’entourer des experts compétents et de créer les meilleurs modèles d’ordinateur qui soient. Mais aussi de s’assurer le soutien du gouvernement, de nos jours indispensable pour pouvoir mener un projet pilote dans le cadre d’une collaboration avec un autre pays, en ce qui concerne TerraPower peut être la Chine. M. Gates explique son implication dans un projet de ce type par une fascination pour les sciences, le souci du changement climatique et une perspective à long terme. «Le succès n’est pas garanti, mais le projet avance bien», explique le fondateur de Microsoft.
Bill Gates: «l’énergie solaire est beaucoup plus complexe»
Bien entendu, il est important de faire progresser des sources d’énergie diverses, par exemple le courant d’origines solaire et éolienne, dont la production est fluctuante. Le potentiel d’augmentation de la production se situe ici à 20, 30, voire même 40%, et ce indépendamment de la demande et du réseau électrique. «Mais au vu du changement climatique, cette stratégie n’est pas judicieuse.» Il est préférable d’exploiter le potentiel des sources d’énergie exemptes de dioxyde de carbone, qui se situe autour de 90% et plus. Pour Bill Gates, l’«énergie solaire est une chose beaucoup plus complexe que ce que nombre de personnes pensent. Lorsque le soleil brille, le courant solaire produit en grande quantité a une valeur quasiment nulle. C'est en l'absence de vent et de soleil que les producteurs d'électricité retirent une plus-value.» Ou encore, comme l’indique le site internet de TerraPower: «Bringing nuclear technology to its fullest potential.»
Bill Gates about climate change
TerraPower (Washington)
B&W, TerraPower to Collaborate on Innovative Generation IV Nuclear Technology
Source
Hans-Peter Arnold/C.B.