Le programme français en matière de gestion des déchets radioactifs tourne à plein régime

Tel est l'avis de la Commission Nationale d'Evaluation (CNE) trois ans avant l'échéance (2006) du programme prévu par la loi. La CNE considère toutefois que les progrès sont différents selon les axes de recherche et qu'on est parfois loin des objectifs fixés par la loi.
En ce qui concerne le premier axe de recherche "Séparation et transmutation", la CNE estime qu'en matière de séparation des actinides mineurs et des lanthanides, ainsi que pour l'extraction du césium, on est entré dans la phase de démonstration de la faisabilité technique. La démonstration de la faisabilité technique de la transmutation n'est par contre pas acquise notamment du fait des problèmes rencontrés pour la fabrication et le retraitement de cibles d'irradiation chargées en américium et en curium. Seuls des résultats préliminaires concernant les irradiations dans le surgénérateur Phénix, qui a redémarré en 2003, seront disponibles avant 2006.
Pour le deuxième axe de recherche "Stockage en formation géologique profonde", l'Andra, l'organisation française compétente en la matière, a défini les options de bases pour deux dépôts en profondeur dans l'argilite du Callovo-Oxfordien, roche qui sera étudiée dans le laboratoire de Bure. L'argilite est une roche argileuse de 150 millions d'années comparable à l'argile à Opalinus encore plus ancienne. Les options choisies se veulent simples et robustes et intègrent la réversibilité.
Les recherches sur le conditionnement et sur l'entreposage de longue durée des déchets - axe 3 de la loi de 1991 - se poursuivent avec des études de matrices de conditionnement, de matériaux de fabrication de conteneurs, de corrosion et de modèles opérationnels d'altération, notamment ceux des verres et des combustibles usés.
Sur la base de l'état actuel du projet, la CNE s'attend globalement, d'ici 2006, à de nombreux résultats utiles surtout pour la séparation des actinides et des produits de fission. On disposera à cet horizon d'une mine de résultats chimiques. L'euphorie n'est par contre pas de mise pour la transmutation. D'une part, les progrès réalisés dans ce domaine sont loin de ceux enregistrés par le programme de recherche sur le stockage géologique profond. D'autre part, la mise en oeuvre de la transmutation pour l'évacuation dans la pratique des déchets radioactifs d'un parc de réacteurs à eau légère exigerait la construction d'un grand nombre de réacteurs dédiés à la transmutation. Pour la CNE, un effort considérable de recherche et développement allant bien au-delà de l'échéance de 2006 apparaît nécessaire dans ce domaine. En ce qui concerne le stockage géologique, l'Andra s'en tient strictement aux programmes du projet, et les bases permettant aux pouvoirs publics de sélectionner une roche et de lancer un projet de qualification pourraient ainsi être réunies d'ici 2005.
Les études réalisées par le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et par Cogema dans le domaine du conditionnement et du stockage de longue durée confirment déjà que les connaissances techniques existent pour assurer pendant un siècle un entreposage centralisé de déchets de haute activité et de déchets de moyenne activité à vie longue, ainsi que d'assemblages combustibles usés.
Tels sont quelques éléments sélectionnés du 9^e rapport de la CNE qui a été remis le 16 juin 2003 au gouvernement français. Présidée par Bernard Tissot, la CNE se compose de 12 experts. Elle suit et évalue depuis 1994 les travaux de recherche réalisés aux termes de la loi française de 1991 sur la gestion des déchets de moyenne et de haute activité.