Le neutrino tau vraisemblablement mis en évidence dans l’expérience Opera

Plusieurs organisations participant à l’expérience Opera, dont le Centre européen de recherche nucléaire Cern à Genève et Istituto Nazionale di Fisica Nucleare (INFN) en Italie, ont annoncé qu’il avait été détecté un neutrino tau avec une probabilité de 98 pour cent. Le projet Opera a été créé en 1997 pour permettre pour la première fois l’observation en direct de la transformation d’un neutrino muon en un neutrino tau sous l’effet de l’oscillation dite neutrino.

Voyage dans la croûte terrestre

L’expérience doit durer cinq ans et a été lancée en 2006. «Mais nous ne disposons de données de mesure que depuis 2008», déclare Andreas Badertscher, physicien de l’EPF, qui participe à l’expérience au Laboratoire Gran Sasso dans les Abruzzes italiennes. C’est en effet là qu’est installé le détecteur de près de 5000 tonnes qui met en évidence les neutrinos parvenant du Cern. Les neutrinos doivent parcourir 732 km en 2,4 millisecondes dans la croûte terrestre pour atteindre le détecteur.

Sur ce trajet, quelques neutrinos muon doivent se transformer en neutrinos tau. Cette hypothèse découle de la constatation d’une différence entre le nombre de neutrinos émis par un accélérateur de particules et le nombre de neutrinos enregistrés par un détecteur installé à distance. L’une des explications suggérait que des neutrinos muon pouvaient être transformés en neutrinos tau.

Dix particules en cinq ans

Les expériences dites de disparition (disappearance) ont déjà pu prouver dans le passé que des neutrinos d’un type déterminé pouvaient disparaître. Les scientifiques estimaient donc qu’un certain type de neutrino devait être transformé en un autre type, processus qu’ils désignent par oscillation neutrino. Mais les neutrinos issus d’une telle transformation n’avaient jusqu’à présent jamais pu être mis en évidence.

Le projet Opera, une expérience dite d’apparition, est le premier et jusqu’à présent unique projet qui est parvenu à détecter avec une très grande probabilité des neutrinos issus de l’oscillation neutrino, une découverte qui s’apparente à la recherche d’une aiguille dans une botte de foin, car selon les estimations des physiciens, le Laboratoire du Gran Sasso ne détectera tout au plus qu’une dizaine de neutrinos tau en cinq années d’observation. «Voici un pas important de franchi dans la physique du neutrino», déclare Rolf Heuer, directeur général du Cern. «Nous attendons tous avec intérêt et curiosité les nouvelles découvertes physiques qui vont suivre cet événement.»

Découvrir de nouvelles lois physiques

Jusqu’à présent, il n’y a que peu de données enregistrées qui aient été analysées. Les physiciens sont toutefois convaincus que le phénomène observé correspond bien à une réaction de neutrino tau. «Les données que nous avons déjà analysées ne permettent en fait pratiquement aucune autre hypothèse. Mais pour donner corps à l’hypothèse de l’oscillation neutrino, il est nécessaire de procéder encore à d’autres détections de ce type», précise Badertscher.

La science suit les trois «générations» de neutrinos à la trace depuis les années 1950. Jusqu’à un avenir récent, on supposait que les neutrinos n’avaient pas de masse et restaient stables. Ce n’est qu’à la fin des années 1990 que l’on a découvert qu’un type de neutrinos pouvait se transformer en un autre, ce qui n’est possible que si tous les types de neutrinos ne sont pas dépourvus de masse. D’autres expériences, dont l’expérience T2K menée avec le nouvel accélérateur de particules japonais J-PARC, ont commencé récemment les mesures destinées à la mise en évidence du neutrino électron issu de la transformation d’un neutrino muon.