L’AIE annonce une renaissance du nucléaire

D’après un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le besoin en électricité augmente de manière fulgurante, et pas uniquement dans les secteurs traditionnels, comme l’industrie, mais aussi en raison de nouvelles applications, telles que les véhicules électriques, les centres de données et l’intelligence artificielle. Dans ce contexte, l’intérêt pour l’énergie nucléaire n’a pas été aussi élevé depuis les crises pétrolières des années 1970. Toutefois, des défis liés, notamment, aux coûts, aux retards accumulés par les projets et au financement se posent.

16 janv. 2025
Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE
Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE, lors de la présentation du rapport «The Path to a New Era for Nuclear Energy»: «Une nouvelle ère commence, mais il faudra face à plusieurs défis.»
Source: Fatih Birol via X

Le nouveau rapport de l’AIE intitulé «The Path to a New Era for Nuclear Energy» propose une évaluation globale de la situation actuelle du secteur nucléaire et présente les principaux défis qui devront être relevés pour pouvoir tirer profit de la dynamique en cours et permettre l’émergence d’une nouvelle ère. Il est question, entre autres, de l’acquisition de connaissances sur la manière de financer les projets nucléaires tout en garantissant des chaînes d’approvisionnement fiables et diversifiées pour permettre la construction et l’avancement de ces projets.

«Il est très clair que le grand retour de l’énergie nucléaire, annoncé par l’AIE il y a quelques années déjà, est enclenché, et en 2025, l’énergie nucléaire battra un record de production d’électricité», a déclaré le directeur exécutif de l’AIE, Fatih Birol, lors de la présentation du rapport. «Par ailleurs, plus de 70 GW nucléaires supplémentaires sont en construction, soit un des chiffres les plus élevés de ces 30 dernières années, et plus de 40 pays dans le monde projettent d’accroître le rôle joué par l’énergie nucléaire dans leurs systèmes énergétiques respectifs. Les petits réacteurs modulaires (SMR), en particulier, présentent un potentiel de croissance intéressant. Toutefois, pour pouvoir entrer dans une nouvelle ère du nucléaire, les gouvernements et l’industrie doivent face à des défis considérables, à commencer par la mise en œuvre de nouveaux projets en respectant les délais et le budget fixés, mais aussi en matière de financement et de chaînes d’approvisionnement.»

D’après le rapport, l’énergie nucléaire est la seconde source de production d’électricité pauvre en CO2 la plus importante après l’hydraulique, et elle couvre aujourd’hui près de 10% de l’approvisionnement électrique mondial. L’utilisation croissante de l’électricité – que cela soit pour les installations de climatisation dans l’industrie, les véhicules électriques ou encore les centres de données en raison de l’essor de l’intelligence artificielle – accélère l’augmentation de la demande en électricité. Dans le contexte des conditions politiques actuelles, celle-ci devrait augmenter six fois plus vite que la consommation totale d’énergie au cours des prochaines décennies. Pour pouvoir faire face à cette augmentation exponentielle de la demande, de nouvelles capacités de production basées sur des technologies qui offrent, notamment, une puissance fiable et flexible, telles que l’énergie nucléaire, doivent être développées.

La majeure partie des centrales nucléaires existantes se trouve dans des économies avancées, mais un grand nombre d’entre elles ont été construites il y a plusieurs décennies. Depuis, le paysage mondial de l’énergie nucléaire a changé, et la plupart des projets sont construits en Chine, laquelle est d’ailleurs en bonne voie pour passer non seulement devant les États-Unis mais aussi devant l’Europe en matière de capacité nucléaire installée. La Russie aussi est un acteur majeur du secteur de la technique nucléaire: sur 52 réacteurs en construction dans le monde depuis 2017, 25 sont de conception chinoise et 23 de conception russe. Le rapport montre également que la production et l’enrichissement de l’uranium sont concentrés dans un petit nombre de pays.

Les SMR changeront la donne
D’après les auteurs du rapport, les innovations dans le domaine de la technique nucléaire contribuent à faire progresser les nouveaux projets. Les SMR, qui peuvent être construits plus rapidement que les grosses centrales et offrent une plus grande marge de manœuvre pour faire baisser les coûts, suscitent un intérêt croissant dans le secteur privé. Le rapport indique la manière dont ils pourraient être introduits à des coûts de financement faibles. Avec un soutien adapté, les SMR pourraient atteindre une puissance de 80 GW d’ici à 2040, et fournir ainsi 10% de la capacité nucléaire mondiale. Toutefois, le succès de la technologie et la rapidité de sa mise sur le marché dépendront de la capacité de la branche à faire baisser les coûts à un niveau équivalent à celui de la grande hydraulique et des projets éoliens offshore d’ici à 2040, avertit le rapport.

Les investissements représentent un défi
Une nouvelle ère pour le nucléaire nécessitera des investissements élevés, expliquent les auteurs du rapport. Dans le cadre d’un scénario de croissance rapide de l’énergie nucléaire, les investissements annuels devront doubler d’ici à 2030 pour s’établir à 120 milliards de dollars. Au regard de l’ampleur des investissements requis dans les infrastructures, l’introduction de nouveaux projets nucléaires ne pourra pas reposer uniquement sur les finances publiques. Le rapport de l’AIE indique que le fait de garantir la prévisibilité des liquidités futures est la clé pour faire baisser les coûts du financement et pour gagner des capitaux privés pour le secteur nucléaire. Par ailleurs, le secteur privé considère de plus en plus l’énergie nucléaire comme une source d’énergie intéressante en termes d’investissement, et qui offre aux entreprises à forte consommation d’énergie un approvisionnement compétitif et propre, et ce 24h/24. Certains grands noms du secteur technologique, en particulier, signent des contrats avec des développeurs afin de garantir de l’électricité pour alimenter les centres de données et l’intelligence artificielle.

Graphique Cashflow
Les longues durées d’autorisation et de construction peuvent conduire à ce que le seuil de rentabilité soit atteint seulement 20 ou 30 ans après le début du projet, ce qui rend le projet complexe aux yeux d’investisseurs commerciaux. Les SMR permettent d’avancer ce seuil, rendant les investissements plus attractifs.
Source: Fatih Birol auf X

Le rôle de la politique
Les gouvernements jouent un rôle majeur dans la promotion de l’énergie nucléaire. Pour pouvoir exploiter les opportunités offertes par l’énergie nucléaire, ils doivent être prêts à mettre en place des conditions-cadres légales stables et qui donnent confiance au secteur privé pour les investissements. De même, la standardisation des conceptions de réacteur et l’efficacité des procédures de construction sont déterminantes pour réduire les coûts et les retards. Le rapport indique également la manière dont les incitations et le financement public peuvent, de manière générale, libérer les investissements nécessaires pour produire une électricité nucléaire qui soit plus propre et plus fiable.

Conclusion
Du point de vue de l’AIE, l’énergie nucléaire peut entrer dans une nouvelle ère à condition qu’une action déterminée soit menée pour diversifier les technologies et les chaînes d’approvisionnement, garantir les investissements, et exploiter les opportunités offertes par les innovations, telles que les SMR. Les gouvernements sont tenus de garantir un développement durable et sûr de l’énergie nucléaire.

Source

M.A./C.B. d’après un communiqué de presse de l’AIE du 16 janvier 2025 et le rapport «The Path to a New Era for Nuclear Energy»

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