IER: le tournant énergétique allemand est un désastre
Selon l’Institute of Energy Research (IER), le tournant énergétique allemand met en péril la sécurité de l'approvisionnement électrique du pays et cause du tort à son économie.
L’Allemagne prévoit de déconnecter du réseau l’ensemble de ses centrales nucléaires d’ici 2022 et de ses centrales à charbon d’ici 2038, au profit des énergies renouvelables – notamment des courants éolien et solaire, fluctuants. Cette politique tire vers le haut les prix de l’électricité et met à rude épreuve le réseau électrique, estime l’IER.
«Si l’Allemagne persiste à vouloir abandonner à la fois le charbon et le nucléaire, elle perdra environ 43% de sa production d’électricité de 2018, obtenue de manière sûre.», a précisé l’IER. Les prix de l'électricité en Allemagne seraient déjà 45% plus élevés que la moyenne européenne et seraient même trois fois supérieurs à la moyenne américaine. Les taxes environnementales représenteraient déjà 54% des prix de l’électricité des ménages privés.
En dépit de cette problématique, l’Allemagne a un plan pour satisfaire ses engagements environnementaux, explique l’IER. Le paquet de mesures en faveur du climat d'un montant de 100 milliards d’euros que le pays souhaite mettre en œuvre prévoit une augmentation des prix du carburant pour les consommateurs, entre 7 et 10 millions de voitures électriques d’ici 2030, un réseau d’un million de stations de rechargement, une taxe sur le transport aérien, une baisse des tarifs du train, et davantage d’installations photovoltaïques et d’éoliennes.
En 2018, les émissions de CO2 de l’Allemagne se sont établies à 866 millions de tonnes, soit 15% de plus que l’objectif de 750 millions de tonnes fixé pour 2020. Si la réduction des émissions se poursuit au même rythme que ces dernières années, l’Allemagne devrait atteindre les objectifs de 2020 avec huit ans de retard, et ceux de 2030 en 2046. La nouvelle loi sur la protection du climat, adoptée par le gouvernement allemand à l’automne 2019, doit permettre à l’Allemagne de réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’environ 55% d’ici 2030 par rapport à leur niveau de 1990. Jusqu’à présent, l’Allemagne est en retard sur ses objectifs et n’a atteint que 30% à peine des valeurs fixées.
L’IER estime que des changements radicaux sont nécessaires pour pouvoir améliorer le système électrique: il faudrait construire les lignes de transport de l'électricité huit fois plus vite qu’actuellement, de même que de nouvelles centrales de réserve, et mettre en place des instruments de pilotage du besoin en électricité. Or tout cela entraînera une nouvelle hausse des prix de l’électricité.
Le bilan de l’IER est sans appel: Le système énergétique allemand est un désastre en raison de l’arrêt simultané des centrales nucléaires et des centrales à charbon – sûres –, qui obligera le pays à recourir davantage aux énergies éoliennes et solaires, volatiles. Le nouveau plan climat du pays ne fera qu’accentuer encore le problème et tirer les prix vers le haut, et cela aura des répercussions sur l’économie. Le «rêve vert» allemand risque au final de se transformer en cauchemar pour les consommateurs, mais représente une aubaine pour les industries bénéficiant d’un réseau politique, ainsi que pour le gouvernement, de plus en plus intrusif.
Suite à l’accident de Fukushima-Daiichi de 2011, l’Allemagne avait décidé de mettre définitivement à l’arrêt l’ensemble de son parc nucléaire d’ici 2022. Seules sept tranches sont actuellement encore en exploitation. Elles étaient 17 en 2011. D'après des informations de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), 29 tranches nucléaires ont été désaffectées à ce jour.
Au début de l’année 2019, plusieurs industriels allemands de renom avaient insisté sur le fait que la décision du gouvernement d'abandonner le nucléaire était une erreur. L’un d’eux, le président du groupe Volkswagen, Herbert Diess, avait déclaré lors d'une interview au Tagesspiegel: «Si nous accordions réellement de l’importance à la protection du climat, nous ferions fonctionner les centrales nucléaires plus longtemps.» D'après un article paru dans le journal «Die Welt» au mois d’août, pour pouvoir rester à l’avant-garde de la politique énergétique et climatique européenne, l’Allemagne doit rester ouverte à l’ensemble des technologies pauvres en carbone, y compris au nucléaire, au moins dans un avenir prévisible.
L’IER
L’IER est une organisation à but non lucratif sise à Washington DC qui réalise des études et des analyses sur le fonctionnement, les procédures et la régulation étatique des marchés mondiaux de l’électricité.
Source
M.A./C.B. d'après l’IER, «Germany’s Energy Plan Is Leading to Insecure Supply», paru le 17 octobre 2019