Ecobilan de la centrale nucléaire de Beznau: encore plus «vert» que prévu!
Les Forces Motrices du Nord-Est de la Suisse SA (NOK) ont présenté en novembre 2008 la déclaration environnementale et climatique relative à leur centrale nucléaire de Beznau. C’était la première fois que l’écobilan d’une centrale nucléaire suisse était examiné sous toutes les coutures sur un exemple concret. Manfred Thuman, CEO des NOK, explique la méthode d’analyse suivie ainsi que les raisons de ces résultats très positifs, qui ont surpris en partie les NOK elles-mêmes.
Pourquoi les NOK ont-elles mené cette procédure de déclaration environnementale et climatique pour Beznau?
Manfred Thumann: en tant qu'entreprise aux mains des pouvoirs publics, nous sommes tenus à la transparence. La déclaration environnementale montre de manière détaillée d'où nous prélevons notre combustible nucléaire et les conséquences environnementales ainsi entraînées. Suite aux affirmations d'antinucléaires selon lesquelles l'énergie nucléaire ne serait pas aussi respectueuse de l'environnement que nous le pensons, nous avons trouvé intéressant de voir à quels résultats une certification environnementale aboutirait.
Qui a réalisé l'étude, et quel est son niveau d'indépendance?
MT: l'étude se fonde sur des données relatives aux flux d'énergie et de matières ainsi qu'aux émissions des fournisseurs et exploitants dans l'ensemble du cycle du combustible réel en 2006 et 2007. Elle a été réalisée au sein des NOK selon la norme ISO 14025. L'ensemble des résultats, ainsi que les hypothèses qui lui servent de base, ont été contrôlés de manière critique par le bureau de certification suédois Veritas, un bureau accrédité indépendant.
Quelle méthode avez-vous utilisée?
MT: l'impact environnemental de systèmes complexes tels que la production d'électricité nucléaire ne peut être cerné que par une analyse globale de l'ensemble du cycle du combustible. C'est pourquoi, pour la déclaration environnementale de Beznau, on a établi une analyse du cycle de vie qui englobe les divers domaines de la production d'électricité nucléaire, depuis l'extraction de l'uranium, la construction de l'installation, le recyclage de matières fissiles et la désaffectation de l'installation jusqu'au stockage du combustible usé dans un dépôt géologique profond. Cette méthode nous a permis de comprendre dans le détail les traces que nous laissons, leurs proportions, et dans quelle mesure elles sont significatives en termes absolus, mais aussi par rapport à d'autres systèmes de production d'électricité. Un état des lieux transparent et scientifiquement fondé a ainsi pu être établi.
Quels sont les principaux résultats de l'étude?
MT: un résultat particulièrement satisfaisant, et auquel nous ne nous attendions pas, concerne les émissions de gaz à effet de serre de seulement 3,04 g d'équivalent CO2 par kWh, ce qui est très bas. Ceci est comparable au bilan des centrales hydrauliques au fil de l'eau, et c'est même un résultat nettement inférieur à ceux de nombreux systèmes énergétiques renouvelables. Ceci mis à part, la plupart des indicateurs environnementaux présentent un résultat positif. L'énergie nucléaire profite ici du niveau élevé de densité énergétique, ce qui est l'une de ses caractéristiques. Comparativement, il faut utiliser peu de ressources pour produire un kilowattheure.
Les émissions radioactives sont naturellement plus élevées qu'avec d'autres systèmes énergétiques, le retraitement constituant partiellement la source la plus importante de ces émissions. Les émissions radioactives provenant de l'exploitation de la centrale sont très faibles, et même inférieures à celles qu'engendrent les centrales au charbon, comme le montre une comparaison de la société Vattenfall, avec des déclarations environnementales correspondantes.
Qu'est-ce qui explique cet écobilan favorable?
MT: dans notre étude, nous prenons comme base l'année de référence 2006/2007, et prenons ainsi en considération une technologie moderne. Nos résultats se distinguent ainsi de ceux des études de l'Institut Paul-Scherrer, qui se fondent sur la technologie moyenne pendant toute la durée de vie des centrales nucléaires. Les améliorations de l'efficacité enregistrées ces dernières années dans les domaines de la conversion et des procédés d'enrichissement se font nettement sentir dans les résultats de l'écobilan. L'utilisation de combustible recyclé provenant du démantèlement d'armes nucléaires constitue une autre raison de l'écobilan favorable; cet effet est toutefois relativement faible. Même si nous n'utilisions que de l'uranium naturel à Beznau, les émissions de gaz à effet de serre n'atteindraient qu'environ 4 g d'équivalent CO2 par kWh. L'extraction de l'uranium dans le cycle de vie de Beznau s'effectue uniquement par le procédé de la lixiviation in situ. Cette technique donne lieu à une quantité comparativement faible d'émissions de gaz à effet de serre. L'utilisation de volumes importants d'acide sulfurique soulève par contre d'autres questions telles que l'élévation de l'acidification de l'environnement.
Les NOK utilisent-elles ces résultats pour vendre de l'électricité nucléaire?
MT: notre objectif principal est de dépassionner le débat sur les meilleurs systèmes de production d'électricité dans l'avenir. La perception sélective des avantages ou des inconvénients que présente chaque méthode ne nous fait pas progresser et ne conduit à aucune solution globale durable. Le fait est que sous cet angle, l'énergie nucléaire a beaucoup à offrir et que le potentiel de développement des nouvelles générations de centrales nucléaires est considérable. Chaque citoyen doit en tirer ses propres conclusions.
Cette interview a été réalisée par Michael Schorer
Manfred Thumann
Manfred Thumann est CEO des Forces Motrices du Nord-Est de la Suisse SA (NOK) depuis octobre 2007 et membre de la direction du groupe Axpo Holding SA. Il a dirigé auparavant pendant cinq ans la division Energie nucléaire du groupe Axpo. Manfred Thumann dispose de longues années d'expérience internationale en matière de gestion. C'est ainsi qu'il a été notamment responsable, en tant que vice-président, de la direction du secteur des turbines à gaz chez Alstom, après avoir assuré précédemment la direction du domaine d'activité des turbomachines chez ABB. Manfred Thumann est ingénieur docteur en sciences des matériaux et ingénieur mécanicien diplômé.