Discussion au Forum économique mondial: comment tripler la capacité nucléaire d’ici à 2050?
Multiplier par trois la capacité nucléaire mondiale d’ici à 2050 ne constitue pas seulement un enjeu technique mais le défi consiste surtout à couvrir le besoin croissant en énergie tout en poursuivant les objectifs de décarbonation. Le podium de discussion sur le thème «Road to Tripling Nuclear Capacity», organisé dans le cadre du Forum économique mondial, à Davos, a clairement mis en avant le rôle central que doit jouer l'énergie nucléaire dans le cadre de la transformation du secteur énergétique.
L’objectif fixé par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) est ambitieux: pour pouvoir tripler la capacité nucléaire mondiale, il faut construire dès à présent 30 gigawatts supplémentaires. D'après le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, cela est possible techniquement, mais nécessitera des avancées considérables en matière de financement, de régulation et de procédures de construction. «Nous devons harmoniser les normes et standardiser le développement de nouveaux réacteurs aux fins d’une efficacité élevée et de baisses des coûts», a déclaré M. Grossi lors du podium de discussion à Davos.
Le rôle de l'énergie nucléaire dans un monde électrifié
La vice-Première ministre suédoise et ministre de l'Énergie, Ebba Busch, a souligné que le besoin croissant en énergie – qui résulte de l'électrification et de la décarbonation – ne pourra être couvert sans l'énergie nucléaire. La Suède prévoit de remplacer entièrement sa production d'énergie fossile par les énergies nucléaires et renouvelables afin d’atteindre l’objectif de zéro émission net à l’horizon 2045. Le modèle de financement innovant présenté par Ebba Busch, qui combine prêts publics, contrats avec différences de prix garanties, et mécanismes de répartition des risques, est une des clés pour y parvenir.
D'après Luc Rémont, CEO d’Électricité de France, l’industrie nucléaire européenne est capable techniquement de construire des réacteurs à grande échelle. Les principaux défis consistent à raccourcir les durées de construction et à harmoniser les processus réglementaires. Si l’on regarde en arrière, on constate que, dans les années 70, la France a construit plus de 50 réacteurs en 15 ans – un rythme que nous devons reproduire aujourd'hui.
Le CEO de la Banque de Montréal, Darryl White, considère comme essentielle la confiance des marchés mondiaux des capitaux. Des instruments de financement innovants, tels que des actifs régulés et des contrats avec des différences de prix garanties sont indispensables pour permettre les investissements à hauteur de plusieurs milliards requis.
Recourir à la physique plutôt qu’à la politique
Des pays tels que les Émirats arabes unis font figure de modèles en matière de projets nucléaires réussis. L’achèvement de quatre réacteurs en respectant le calendrier et le budget fixés montre que de tels projets sont réalisables à condition qu’ils reposent sur des objectifs clairs et des coopérations.
Malgré les progrès techniques, le soutien politique demeure un défi dans de nombreuses régions du monde. «Nous devons placer la physique au cœur de la politique énergétique, et pas la politique elle-même», estime Ebba Busch. La ministre a également appelé à un renforcement de la collaboration afin d'accélérer la mise en œuvre et d’atteindre des économies d’échelle.
Source
S.D./C.B. d’après le podium de discussion organisé lors du Forum économique mondial «Road to Tripling Nuclear Capacity» 21 janvier 2025