«L’‹esprit Beznau› est unique!»

Monsieur Braun, vous avez étudié le génie mécanique. Qu’est-ce qui vous a amené à vous lancer dans le nucléaire?
La visite d’une centrale nucléaire pendant ma scolarité. La complexité de l’installation et de ses processus m’a tellement fasciné que lorsque, au terme de mes études, j’ai eu la possibilité de travailler dans une centrale nucléaire, je n’ai pas hésité longtemps. Et je ne l’ai pas regretté une seule seconde depuis lors!

Vous êtes le nouveau directeur de la KKB depuis quelques mois. Auparavant, vous exerciez la même fonction à la centrale nucléaire de Philippsburg 2, en Allemagne. Ressentez-vous des différences opérationnelles et culturelles?
La technologie et les processus sont très similaires, mais il y a effectivement des différences culturelles. Ce qui m’a particulièrement frappé ici à Beznau, c’est l’attachement des collaborateurs à leur installation et leur cohésion. Cette culture et cet esprit sont notre grande force et nous devons absolument les préserver.

Quelles sont vos exigences envers vous-même et envers les autres?
Pour ma part, je m’applique à formuler clairement les objectifs et les lignes directrices tout en faisant confiance aux collaborateurs et en leur laissant la marge de manœuvre nécessaire. Il me semble en outre important que les cadres soient conscients de leur rôle de modèle et qu’ils donnent l’exemple en appliquant nos principes.

Lorsque vous avez rejoint l’équipe de direction de la KKB en septembre 2021, un changement de génération s’est également opéré. Comment cela se traduit-il pour le personnel et à quoi allez-vous accorder une attention particulière?
Dans le génie nucléaire, le savoir-faire et l’expérience jouent un rôle particulier. C’est pourquoi nous avons besoin d’une planification prudente du personnel et de longues périodes de chevauchement pour que les jeunes collègues puissent grandir dans leurs nouvelles fonctions et prendre progressivement des responsabilités. Nous devons en outre offrir des perspectives et un environnement de travail attrayants pour que les bonnes personnes ne se contentent pas de venir chez nous, mais y restent.

Vous produisez de l’électricité dans un contexte difficile. Comment motivez-vous vos collaborateurs? Arrivez-vous à recruter assez de jeunes pour assurer la relève?
Ces derniers mois, nous avons pu embaucher de nombreux collaborateurs qualifiés. Compte tenu de la situation actuelle sur le marché du travail, le changement de génération qui s’annonce est toutefois un grand défi pour nous. En tant qu’employeur, nous devons devenir encore plus attractifs pour les jeunes et répondre à leurs besoins. Nous y travaillons au travers de nombreuses mesures, dont la campagne de recrutement en cours.

Les tranches de la KKB comptent parmi les plus anciennes au monde. Constituent-elles un défi particulier en termes de sûreté pour vous en tant que directeur de la centrale?
Non, la KKB est en très bon état. En tant qu’exploitant, nous avons beaucoup investi dans la maintenance et la modernisation de l’installation depuis sa mise en service. L’IFSN nous le confirme, et nous obtenons régulièrement de très bonnes notes lors d’audits internationaux. Mais il va de soi que nous accordons une attention particulière à la surveillance du vieillissement.

Lors de contrôles décennaux, la France a découvert des dommages dus à la corrosion sur certains types de réacteurs. En Suisse, les centrales nucléaires sont contrôlées chaque année pour vérifier la fatigue des matériaux. Cela représente-t-il un effort important?
L’effort est important, mais il fait partie de notre engagement en faveur de la sûreté. Pour des installations de l’âge de Beznau, une bonne surveillance du vieillissement est d’une importance capitale et nous ne faisons pas de concessions à ce sujet.

Quels sont les grands projets en cours à Beznau?
Au cours de son histoire, Beznau a connu plusieurs grandes phases d’investissements, au cours desquelles des systèmes et des parties de l’installation ont été rééquipés, en augmentant ainsi considérablement la robustesse. La conception de l’installation a désormais atteint un degré de maturité tel qu’il s’agit avant tout de renouveler les composants et systèmes vieillissants afin de rester à la pointe de la technologie de rééquipement.

Qu’est-ce que vous appréciez particulièrement à Beznau?
Les collègues! Ce sont eux qui font de notre installation ce qu’elle est. C’est cet «esprit Beznau», que j’ai évoqué tout à l’heure, qui est à la base du maintien en service de l’installation pendant plus de 50 ans – et c’est également lui qui sera à la base du bon déroulement de la dernière décennie d’exploitation.

L’énergie nucléaire fait son «comeback» dans de nombreux pays comme le Japon, les Pays-Bas, la Pologne, les États-Unis et la Suède. Pensez-vous que la Suisse puisse connaître un revirement en la matière?
Je ne pense pas que les objectifs climatiques mondiaux puissent être atteints sans un développement massif de l’énergie nucléaire. Les débats sociétaux et politiques montreront dans quelle mesure la Suisse entend y contribuer.