La Pologne mise sur l’atome

La Pologne entend faire appel à l’énergie nucléaire dans le cadre d’un portefeuille énergétique diversifié afin notamment de s’affranchir de sa forte dépendance au charbon. Elle prévoit de construire à la fois des réacteurs de puissance de génération III+ et de petits réacteurs modulaires.

20 nov. 2023
Kohlekraftwerk Patnow
Il est prévu de construire au moins deux tranches du type sud-coréen APR-1400 sur le site de la centrale au lignite de Patnow, dans le centre du pays.
Source: ZE PAK

Début 2005, le cabinet polonais avait déjà décidé de se lancer sans délai dans le nucléaire afin de diversifier l’approvisionnement énergétique du pays et d’en réduire les émissions de dioxyde de carbone et de souffre. Un rapport établi en 2009 à l’intention du ministère de l’Économie concluait que le recours à l’atome était la manière la plus économique de réduire les émissions de CO2. Pour atteindre les objectifs du gouvernement, PGE – le plus grand énergéticien du pays – avait annoncé qu’il projetait de construire deux centrales nucléaires d’une puissance de 3000 MW chacune, l’une dans le nord et l’autre dans l’est du pays.

La politique énergétique de la Pologne jusqu’en 2040
Au cours des années suivantes, la Pologne a remanié sa politique et sa stratégie énergétiques. La «Politique énergétique polonaise à l’horizon 2040» (PEP2040) actualisée comprend des considérations stratégiques sur le choix des technologies permettant de mettre en place un système énergétique bas carbone. Elle vise à assurer la sécurité d’approvisionnement du pays tout en garantissant la compétitivité économique, l’efficacité énergétique et la réduction de l’impact environnemental du secteur de l’énergie. La transition du charbon au zéro émission nette doit en outre se faire de manière socialement responsable.

Cinq indicateurs ont été définis comme jalons pour mesurer la progression de la mise en œuvre de la PEP2040:

  • la part du charbon dans la production d’électricité doit être ramenée à 56% au plus d’ici 2030;
  • la part des énergies renouvelables dans la consommation brute d’énergie finale doit atteindre 23% au moins d’ici 2030;
  • les émissions de gaz à effet de serre devront avoir diminué d’environ 30% (par rapport à leur niveau de 1990) d’ici 2030;
  • la consommation finale d’énergie primaire devra avoir diminué de 23% (par rapport aux prévisions sur la consommation finale d’énergie primaire établies en 2007) d’ici 2030.
  • La première tranche d’une centrale nucléaire d’une puissance de 1000 à 1600 MW devra être mise en service d’ici 2033. Cinq tranches supplémentaires, à construire sur deux sites à des intervalles de deux à trois ans, sont prévues.

Le programme nucléaire polonais
La Pologne n’exploite encore aucune centrale nucléaire. Dans les années 1980, elle avait adopté un programme nucléaire prévoyant la construction de deux centrales sur les sites de Zarnoviec et Varta, mais ce dernier a été abandonné en 1990. Le programme actualisé en 2020 prévoit la construction et la mise en service de réacteurs éprouvés à eau sous pression de génération III+ représentant une puissance installée totale de 6000 à 9000 MW. En septembre 2020, le ministre polonais du Climat Michal Kurtyka a présenté un plan pour la construction de six nouvelles tranches nucléaires d’ici 2040. Les coûts sont estimés à 150 milliards de zlotys (CHF 40 mia.). Un mois plus tard, la Pologne et les États-Unis ont signé un accord de coopération pour la mise en œuvre du programme nucléaire polonais. Cet accord est entré en vigueur en février 2021. Piotr Naimski, secrétaire d’État aux Infrastructures énergétiques stratégiques, a souligné que la Pologne restait ouverte aux offres d’autres pays.

Projets de réacteurs de puissance
Fin octobre 2022, il a été annoncé que la Pologne avait choisi l’entreprise américaine Westinghouse Electric comme fournisseur d’un réacteur de type AP1000 pour sa première centrale nucléaire, qu’il est prévu de construire sur le site de Lubiatowo-Kopalino en Poméranie. Le 12 juillet 2023, le ministère du Climat et de l’Environnement a donné le feu vert à cette installation. Cette décision de principe confirme formellement que le projet d’investissement de la société Polskie Elektrownie Jadrowe (PEJ), en charge de la construction, est conforme à l’intérêt public et à la politique, notamment énergétique, menée par l’Etat. PEJ peut désormais demander d’autres autorisations, dont l’autorisation de site et ensuite le permis de construire. Il est prévu de construire une deuxième centrale nucléaire financée par l’État sur un site encore indéterminé. Une troisième centrale nucléaire, financée elle par des fonds privés, est en outre en projet sur le site de Patnow. Elle sera dotée de réacteurs du type sud-coréen APR-1400. Le projet bénéficie du plein soutien du gouvernement. Le site de Patnow abrite actuellement une centrale au charbon qu’il est prévu de désaffecter.

Projets de SMR
À côté des réacteurs de puissance, les SMR sont eux aussi au centre de l’attention, en particulier pour les entreprises industrielles à forte consommation d’énergie. Ainsi, l’entreprise minière polonaise KGHM Polska Miedź S.A. (KGHM) et le développeur de réacteurs américain NuScale Power ont signé le 14 février 2022 un accord pionnier sur le lancement des travaux de réalisation de SMR avancés en Pologne. Les projets de construction d’un SMR VOYGR de NuScale sont directement liés à la politique climatique et à la nouvelle orientation stratégique de KGHM en matière d’énergie, a expliqué l’entreprise. Le ministère du Climat et de l’Environnement a donné à cette dernière son accord de principe pour la construction d’un SMR de type VOYGR d’une puissance totale de 462 MW (six modules de 77 MW chacun) le 13 juillet 2023 – soit presque en même temps qu’à PEJ. Le partenaire américain de KGHM, NuScale, est le premier et jusqu’à présent le seul fournisseur de technologies SMR à avoir obtenu l’homologation de son SMR par l’autorité de sûreté américaine (NRC). Cette homologation s’applique au module de 50 MW de VOYGR. Sollicitée en 2023 par NuScale, l’homologation du module de 77 MW de ce SMR est attendue pour 2024.

Kupferhütte und Raffinerie
En tant qu’entreprise leader dans le secteur de l’extraction de cuivre et d’argent, la société polonaise KGHM est un gros consommateur industriel d’énergie et d’électricité. Dans le cadre de sa stratégie de décarbonation, elle souhaite remplacer ses centrales à charbon par des SMR.
Source: KGHM

Orlen Synthos Green Energy – une co-entreprise de PKN Orlen, la plus grande entreprise pétrolière et gazière polonaise, et du groupe chimique Synthos – a également déposé auprès de l’autorité de sûreté polonaise (PAA) une demande de décision de principe concernant la construction de SMR de type BWRX-300. La co-entreprise prévoit de mettre en service un premier BWRX-300 dès 2029 et de déployer au moins dix SMR de ce type en Pologne d’ici le début des années 2030. Sa demande est encore en cours de traitement.

Auteur

Marie-France Aepli, Rédactrice technico-scientifique, Forum nucléaire suisse

Source

Nach verschiedenen Quellen

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