France: remise en service de centrales nucléaires en décembre 2022
Dans une interview accordée au Forum nucléaire suisse, Myrto Tripathi, présidente et fondatrice de l’association «Voix du nucléaire», décrit la situation des centrales nucléaires françaises, les raisons pour lesquelles les réacteurs sont actuellement hors service, et la manière dont la population française perçoit la situation.
Quel est le statut actuel des différentes tranches nucléaires françaises?
Actuellement, 31 réacteurs sont à l’arrêt sur 56 en France: 29 réacteurs ont été arrêtés pour rechargement et maintenance, dont douze pour des diagnostics ou des réparations de problèmes de corrosion sous contrainte, et deux autres pour économie de combustible en vue du passage à l’hiver.
Pourquoi les réacteurs sont-ils hors service?
Les réacteurs sont à l’arrêt pour maintenance planifiée, problème de corrosion sous contrainte, économie de combustible pour l’hiver ou diminution de la puissance à cause des fortes chaleurs.
Il n’y a pas de réacteur arrêté à cause de problème de refroidissement. Concernant les «problèmes de refroidissement», ces contraintes de températures de rejets et d’échauffement amont-aval (qui concernent toutes les centrales thermiques) visent à protéger les écosystèmes, et impactent essentiellement la production électrique des centrales situées sur des cours d’eau n’étant pas équipées de systèmes aéroréfrigérants permettant de refroidir suffisamment les eaux rejetées, sur quelques heures à quelques jours par an.
Le réchauffement climatique va accroître la probabilité de ces indisponibilités, mais ces effets futurs sont modélisés sur la base des scénarios du GIEC. À l’horizon 2050, la production perdue reste très faible (de l’ordre de 3% dans les scénarios les plus défavorables). Il existe des solutions techniques, et l’emplacement des futurs réacteurs peut être pensé en fonction de cette contrainte, en bord de mer plutôt que sur des fleuves.
Quand les tranches actuellement à l’arrêt devraient-elles être reconnectées au réseau?
EDF a indiqué que douze réacteurs seront remis en service en septembre, quatre en octobre et onze autres d’ici décembre. Par exemple, Gravelines 4 a été remis en service le 3 septembre. D’ici décembre seront aussi redémarrés les réacteurs arrêtés pour économie de combustible.
En Suisse, le fait que la production d’électricité en France soit réduite au cours de l’hiver prochain inquiète, car la France pourrait ainsi ne pas être en mesure de nous fournir de l’électricité. Quel est votre avis concernant ce scénario?
La réduction éventuelle des exportations vers la Suisse ne peut être exclue du fait des incertitudes encore existantes sur la capacité pilotable réellement utilisable, en particulier si l’hiver est froid, d’une part, et, d’autre part, des difficultés attendues en Allemagne et en Italie, qui seront prioritaires du fait des règles de solidarité au sein de l’UE.
Comment la population française perçoit-elle la situation actuelle de ses réacteurs?
Les Français sont surpris que plus de la moitié des réacteurs soient actuellement à l’arrêt. Il se posent légitimement des questions: est-ce à cause de la canicule (et donc est-ce qu’il y a une incidence sur la sûreté?), à cause du manque d’investissements dans le secteur, à cause de l’âge des réacteurs ou à cause d’EDF?
Une grande partie des réacteurs étant arrêtée pour de la maintenance courante (ce qui est souvent le cas l’été pour pouvoir ensuite passer l’hiver avec le moins d’arrêts possible), un grand nombre vont pouvoir redémarrer d’ici décembre comme l’ont annoncé le gouvernement et EDF.
De manière générale, une prise de conscience du grand public sur l’importance de l’énergie dans nos vies s’opère et vient donc questionner les choix énergétiques des dirigeants ces dernières décennies: les questions qu’ils se posent portent en particulier sur le maintien d’un socle nucléaire fort et de la fin de la dérive folle des prix de l’électricité.
Ces évènements et les circonstances qui les entourent doivent inciter dirigeants et population à aborder la question des mix énergétiques futurs avec plus de considération donnée aux réalités physiques: que peut-on vraiment attendre des changements de comportement ayant une incidence sur la consommation et à quelle vitesse? Doit-on vraiment compter sur les innovations espérées pour assurer le socle de production? La solidarité entre pays doit-elle seulement être de recevoir, et qu’adviendra-t-il si tout le monde reçoit et personne n’est en mesure de fournir de l’énergie?
Le rôle critique que joue l’énergie devrait imposer que sa planification se fasse sur la base de la minimisation des risques et des paris. Un tel exercice a été réalisé sur la France par l’association les Voix du Nucléaire sous la forme d’un scénario construit volontairement sur la base d’hypothèses pessimistes, augmentant ainsi les chances de voir se réaliser une production énergétique véritablement fiable, décarbonée et souveraine quelles que soient les circonstances. Nous nous proposons de partager les résultats de cet exercice avec nos voisins suisses pour que chacun bénéficie des retours des autres sur la question.
Auteur
Aileen von den Driesch, cheffe de projet Communication
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