Relève nucléaire: la Stratégie énergétique 2050 sera difficilement réalisable sans le nucléaire
Un livre blanc sur la protection du climat et la sécurité d’approvisionnement
Le chemin emprunté par la Stratégie énergétique 2050 de la Suisse pourrait bien être une impasse. Telle est la conclusion à laquelle arrive un groupe de travail composé de dix jeunes membres du Forum nucléaire suisse et de la Société suisse des ingénieurs nucléaires (SOSIN), publiée dans un livre blanc. D’après le document, dans les conditions actuelles, le plan qui prévoit la mise en œuvre des mesures de protection du climat requises tout en garantissant un approvisionnement électrique sûr ne fonctionnera pas sans le nucléaire. Une des principales raisons à cela sont les attentes trop optimistes en termes de disponibilité des importations de courant respectueux de climat, notamment en hiver. La relève nucléaire plaide notamment en faveur de scénarios ouverts à l’ensemble des technologies et qui intègrent l’énergie nucléaire.
«Je remercie infiniment le groupe de travail pour ce document. Je suis certain que ces résultats apporteront une contribution précieuse au débat sur la protection du climat et sur la sécurité d’approvisionnement», a déclaré Hans-Ulrich Bigler, président du Forum nucléaire suisse, lors de la présentation du livre blanc à Berne.
Le courant qui circulera sur le réseau européen sera insuffisant à partir de 2035
Les auteurs du livre blanc, de jeunes scientifiques, économistes et juristes, arrivent à la conclusion qu’au plus tard à partir de 2035, la Suisse pourrait rencontrer une situation de pénurie d’électricité si elle ne créée pas des capacités de production d’électricité supplémentaires sur le territoire national. La Stratégie énergétique 2050 actuelle prévoit que nous continuerons à importer des quantités importantes d’électricité à l’avenir également. Dans ce contexte, le groupe de travail a analysé la situation de l’approvisionnement électrique de la Suisse jusqu’en 2050, en prenant en compte les stratégies climatiques de nos voisins. «Les résultats de nos calculs divergent sensiblement des prévisions de la Confédération en matière de production d’électricité et de capacités d’importation en provenance de l’étranger», précise Lukas Schmidt, ingénieur nucléaire EPF et co-auteur du document. L’ensemble de nos pays voisins ont, eux aussi, pour objectif de décarboner et d’électrifier leur économie pour réaliser les objectifs climatiques. Dès 2035, ils produiront environ 300 térawattheures (TWh) d’électricité de moins (soit 18%) que ce que le prévoient les perspectives énergétiques 2050+ de la Suisse. Ensuite, jusqu’en 2050, cette différence s’établira autour de 740 Twh, soit 40%. «Si tous les pays veulent réaliser leurs objectifs climatiques, le courant qui circulera sur le réseau européen sera insuffisant à partir de 2035 – notamment en hiver. La Suisse pâtira tout particulièrement de cette situation car elle a basé sa stratégie sur les importations d’électricité», explique M. Schmidt.
L’énergie nucléaire doit rester un scénario possible
Les auteurs soulignent que des capacités de production indigènes supplémentaires devront être créées, notamment pour fournir l’énergie de ruban, le stockage de l’électricité à grande échelle n’étant pas encore disponible.
Les solutions possibles prévoient de recourir au nucléaire – notamment grâce à l’exploitation à long terme des centrales. L’énergie nucléaire pourrait empêcher de manière efficace les pénuries d’électricité en hiver. «L’exploitation durant au moins 60 ans de nos réacteurs actuels est largement possible au plan technique. Cela nous permettrait de gagner du temps afin d’éviter toute pénurie d’approvisionnement pour le cas où le développement des énergies renouvelables n’était pas satisfaisant», a déclaré Lukas Robers, doctorant au Laboratoire des systèmes énergétiques de l’EPF de Zurich, également co-auteur du livre blanc.
De nombreux pays misent sur la technique nucléaire, pauvre en CO2, en tant que composante d’une politique énergétique respectueuse du climat qui permette de lutter contre les changements climatiques. Le groupe de travail cite ici l’exemple des petits réacteurs modulaires (SMR). À la différence des installations conventionnelles, la technologie de SMR met à profit des développements en termes de sécurité, de rendement du combustible, de flexibilité et de gestion des déchets. Économiquement, ces réacteurs sont attractifs en raison de leur modularité et de leur courte durée de construction. Les coûts moyens de l’électricité produite avec un SMR sont comparables à ceux des énergies renouvelables. «Les SMR ont été développés pour le suivi de charge et pourraient ainsi remplacer les énergies éolienne et photovoltaïque, volatiles», a déclaré Lukas Robers. Ce mix permettra de désamorcer la problématique associée au stockage de l’électricité et à la sécurité de l’approvisionnement de base.
«Si nous voulons empêcher une pénurie d’électricité et si nous voulons atteindre nos objectifs climatiques, nous devons avant tout conduire une planification qui soit ouverte à l’ensemble des technologies», a estimé Hans-Ulrich Bigler lors de la présentation de huit recommandations politiques contenues dans le livre blanc. D’autres recommandations portent sur l’évaluation, réaliste, de la capacité d’exportation d’électricité de nos voisins, une plus grande implication de l’économie privée, une perspective technologique multigénérationnelle, ou encore l’amélioration des conditions-cadres pour les capacités de production d’électricité indigènes. Au regard de la décarbonation massive et globale souhaitée, la Suisse ne sera pas la seule à avoir besoin de beaucoup plus d’électricité dans les années à venir. «Si nous ne faisons rien, nous nous dirigeons vers une pénurie de notre approvisionnement électrique. La question n’est donc pas de savoir si nous voulons lever l’interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires, mais plutôt si nous pouvons réellement nous permettre de sortir du nucléaire dans le contexte des changements climatiques et de la sécurité d’approvisionnement», a souligné Hans-Ulrich Bigler.
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